Daisy Mortem, le duo queer cyber-goth qui bouscule la scène électronique Bordelaise, composé de Cindy Bluray et Vampiro Maracas, clos sa trilogie de vidéos issue de leur dernier album “Faits Divers” avec le titre “La Nuit Sexuelle”.
La création artistique comme suppléance
S’il est bien un duo qui s’approprie la folie créatrice, il s’agit de Daisy Mortem. Par la création artistique comme suppléance à la psychose, il s’empare de l’aliénation collective et de la vacuité des modes de vies. Avec le projet “Faits Divers”, il s’éloigne des névroses universelles, pour les substituer à une vision personnelle et extrême de la réalité, invisible du commun des mortels. Un récit introspectif nécessaire et une extrospection clairvoyante pour Cindy Bluray :
“En terme d’écriture, j’ai essayé de regarder en face mes peurs, mes désirs, mon histoire, mes expériences, et de les transformer en chanson. J’ai aussi eu envie de parler de mon environnement, de la ruralité, de la banlieue, de la solitude, de la galère … “Faits Divers”, c’est du vécu transformé en récits fantastiques ou horrifiques, en contes, en symboles.”
L’écriture métaphorique et imagée de l’album Faits Divers créé un pont entre l’intime et l’universel, l’ordinaire et le merveilleux.
“Cela permet d’extérioriser des choses intimes à travers des figures connues : la figure du chien ou du loup, le fantôme, le vampire, le bandit, etc … Ce qui m’intéresse dans le fait divers, c’est sa dimension populaire, banale, qui prend place dans le quotidien, et à la fois, sa dimension extra-ordinaire et mythique.
Mon but est toujours le même, bien que ça puisse paraître paradoxal aux premiers abords : aimer la vie, s’accepter soi-même et célébrer le monde qui nous entoure dans toute sa richesse, dans le pire comme le meilleur.”
Déconstruire les frontières musicales
Daisy Mortem transcrit l’absurdité des comportements sociaux, dans un univers musical brut, hors des sentiers battus et des limites de genre. Personnification de l’Underground si l’on devait lui attribuer une identité artistique, le duo réinterprète et mêle les styles sans frontière de codes musicaux, se baladant entre l’Indus, Le Noise, la Cold Wave ou encore la Trap et le Reggaeton. Pour Vampiro Maracas, pas d’inspiration figée mais un désir d’exploration et une production musicale au service de l’intention globale :
“Alors que notre premier EP traduisait des influences punk, cold wave, indie, cet album traduit une nouvelle étape pour nous, un son plus électronique, plus urbain, tout en flirtant parfois avec le reggaeton ou l’eurodance. Très influencé par la nouvelle scène deconstructed, j’adore mêler des éléments clubs, dansants qui se feraient engloutir par des textures métalliques et organiques.
On a vraiment souhaité orienter l’album autour du sound design, qu’il apparaisse au premier plan, et pas seulement comme un décor. On avait envie qu’une sonnerie d’appel Facebook ou qu’un aboiement soit aussi important qu’une mélodie ou qu’une percussion. Brouiller les frontières entre notre environnement immédiat et la composition.”
Fatum Stoicum et Nuit Sexuelle
Dans la trilogie “Faits Divers”, images évocatrices et écriture fataliste se mêlent pour donner vie à une vision stoïcienne du destin. La trajectoire fatale prise dans “L’Accident est Inévitable” ou encore la perception d’une naissance subie dans “La Nuit Sexuelle“, symbolisent parfaitement l’enchaînement des causes physiques, et l’ordre établi par la nature des événements qui se suivent les uns les autres, que décrit le Fatum Stoicum.
Charlotte Pouyaud, réalisatrice des vidéos traduit cette perception des événements en intériorisant processus créatif du duo :
“Chaque clip est d’abord imaginé à partir des impressions, des images, des motifs que m’évoque intuitivement la chanson. Un clip, selon moi, c’est l’occasion de faire un travail d’interprétation en images de la chanson et pas seulement de produire des images randoms ou publicitaires. Donc le point de départ peut être tout à fait littéral et coller avec le texte (“L’accident est inévitable” par exemple) ou beaucoup plus métaphorique (“La nuit sexuelle” et “Arêtes”). La question initiale que je me pose est de savoir quelle est l’histoire à raconter, celle qui apportera du sens, un sens nouveau, et quelles seront les images, les atmosphères qui seront une puissance évocatrice pour la musique et le texte. Pour résumer, c’est un travail de déploiement, un déploiement de ce que recèle la chanson, de ses recoins. C’est aussi important pour moi d’introduire du récit dans le format du clip, qui n’est traditionnellement pas utilisé comme ça. “
Et si la finalité est aussi peu perceptible dans l’intention créative que dans l’absurdité de la vie elle même, pour Daisy Mortem et la réalisatrice, la trilogie reflète la destinée fatale de l’Homme, incarnée par le duo :
“La trilogie […] n’est pas pensée comme une suite progressive, mais plutôt comme trois variations sur la figure du double, d’un monde en miroir. Chaque épisode se termine également par la mort du duo. Donc il n’y a pas vraiment de finalité, dans le sens d’une progression vers un but, mais plutôt une fatalité, une sorte de boucle sans fin !”
Une boucle parfaitement imagée avec ce dernier clip, où le duo est traqué par la vie. L’écriture et la mise en scène pervertissent la vision idéale, quasi sacrée de l’origine “ils ont baisé sans moi” et renversent le processus créationniste “J’étais mort avant de vivre”, “Je suis tombé sur terre et dans l’enfer du jour”. Impuissance face à la vie, vacuité existentielle et destin stoïc s’entrecroisent dans cette interprétation personnelle du vide universel qu’est le titre “La Nuit Sexuelle” et le projet “Faits Divers” dans sa globalité.